Bonjour D.
Merci d’avoir accepté et pris le temps de répondre à ces questions, et de partager votre vécu de cette maladie…
Je trouvais cela normal de témoigner, on parle de plus en plus de ce cancer et les recherches évoluent, ça a du bon. Il faut en parler, c’est une épreuve difficile et il est important de pouvoir partager cette expérience. On en parle beaucoup mais lorsqu’on apprend qu’on l’a, on se sent très seule, vraiment très seule. De plus je n’en avais jamais eu l’occasion auparavant, j’ai traversé cela avec ma famille mais on n’en parle peu car on a dépassé cela, mais en parler c’est aussi montrer qu’il y a un après cancer. Le passé est le passé, mais les cicatrices sont là, elles restent…
De plus c’est le mois idéal pour en parler: l’Octobre Rose ! Alors le Cancer du Sein: parlons-en !
Comment avez-vous appris que vous étiez atteinte d’un cancer du sein ?
Tout a commencé en décembre, plus précisément le 25 décembre 1994 au soir. J’avais mal à mon sein droit, mais je n’y prêtais pas trop d’importance, car avant les menstruations une femme a toujours les seins qui font plus ou moins mal. A cette époque j’avais 35 ans et 1 mois, j’étais très jeune. Mais le 26 au matin mon sein avait triplé de volume et était très douloureux, insupportable même, comme une sensation d’être en feu, donc mon mari m’a emmenée en urgence à l’hôpital pour voir mon gynécologue.
A peine arrivés pour la visite, le médecin a constaté que c’était grave, il parlait peu mais son silence et son regard voulaient dire beaucoup, il m’a tout de suite fait passer une mammographie. Un tel examen sur un sein gonflé et douloureux était un calvaire, puis est venu le résultat: j’avais une grosseur de la taille d’un petit pois. Le médecin m’a alors annoncé qu’il fallait me faire une ponction dans la grosseur pour en retirer un peu de liquide pour découvrir si c’était malin et donc cancéreux ou non…
L’annonce de la maladie…
Au bout d’une heure la réponse est arrivée. J’étais assise à côté de mon mari et en face du médecin, il me regarde puis les radios, et enfin, je ne sais pas si je dois dire enfin mais c’était la fin de l’attente, et ….. je n’avais pas peur à ce moment là, car j’avais trop mal et puis je ne pensais pas que je pouvais avoir un cancer du sein, pas moi… Le médecin m’annonce que la grosseur était maligne et que je devais me faire opérer. Là il a commencé à me parler de tout ce qui allait avec cette opération: les risques d’une ablation totale ou partielle, entre autres. Je comprenais tout ce qu’il me disait, mais cela semblait si irréel…
Comment avez-vous alors réagi ?
Le temps était très court et très long en même temps, j’étais comme dans une bulle irréelle, et puis j’ai compris l’importance du mal qui me rongeait. Très vite aussi j’ai pris conscience de la gravité et j’ai pensé à mon mari, à mes enfants, et à ma mère qui était mourante, car quelques semaines auparavant on lui avait détecté la maladie de Charcot, et on lui donnait au plus neuf mois à vivre… Je soignais cette mère malade, et en cet instant tout défilait dans ma tête, des questions comme « Qui allait s’occuper d’elle ? De mes enfants ? De mon mari ?». Je pensais à ces choses qui faisaient mon quotidien et dont je m’occupais tous les jours, ces éléments qui étaient ma raison de vivre. Et là, c’était comme un tremblement de terre, une faille qui s’ouvrait sous moi et qui dévastait toute ma vie bien rangée et déjà secouée par la maladie de ma mère… Puis le trou noir, j’ai fondu en larmes. Mon mari et moi nous avons beaucoup pleuré dans le bureau de ce médecin. Puis nous avons parlé, très longtemps apparemment mais je ne saurais dire combien exactement. Nous avons été pris en charge par ce médecin qui a pris de son temps pour nous expliquer la maladie, ses effets, puis l’opération, les risques, les possibilités etc…
C’était le début du traitement contre la maladie, c’est ça ?
Oui. Mon traitement a commencé dans ce bureau, avec ce médecin. J’ai reçu des anti-inflammatoires et d’autres médicaments en vue d’une opération pour enlever cette grosseur. C’était comme un chemin qui m’emmenait sans que je m’en rende compte, j’étais emportée par la ronde des examens de préparation de l’opération, les prises de sang, les radios des poumons, l’anesthésiste… J’étais encore dans cette spirale dans laquelle je n’avais aucun contrôle sur mes faits et gestes et où ma seule possibilité était l’attente.
Puis un retour à la maison avant l’opération ?
Je suis rentrée à la maison pour quelques temps avant mon opération. Le retour à ce qui était ma vie était difficile. La réalité m’effrayait. Je voyais ma mère alitée, très gravement malade, puis mes enfants de 15 et 8 ans qui avaient besoin de moi. J’ai alors inconsciemment donné l’image d’une femme forte car pour eux je devais l’être. Ils ne devaient pas connaître la gravité de mon état, je gardais la tête haute, je souriais devant ma mère. D’ailleurs ça venait naturellement, c’était même incontrôlé, je me rappelais qu’elle me disait toujours « garde le sourire quoiqu’il arrive ». Mais combien de fois j’ai craqué lorsque j’étais seule ou avec mon mari…
C’était aussi le moment de s’organiser: « Qui allait s’occuper des enfants? » et « Qui allait s’occuper de ma mère? », là mon frère a pris la relève durant mon hospitalisation, et mon mari a changé de poste, il n’était que du matin pour pouvoir s’occuper des enfants le soir. Et une amie était là pour le mercredi. Je remercie encore ces personnes pour m’avoir aidée, car la maladie a chamboulé notre vie.
Comment vos enfants ont réagi face à l’opération et la maladie ?
Il fallait dire aux enfants que j’allais me faire opérer, mais tout en rassurant que je reviendrais très vite à la maison. Mais là je parlais de choses encore inconnues car je ne savais rien du futur, ni si l’opération allait bien se passer, ni même si je guérirais du cancer. Car l’opération n’était que la première étape qui si elle se passait bien, amènerait encore beaucoup d’autres étapes. Mais nous n’en étions pas encore là. Malgré cela il fallait quand même rassurer les enfants alros que moi-même je ne l’étais pas: rassurée. J’ai alors pris les devants, j’ai écris trois lettres, une pour chaque enfant, et une pour mon mari, au cas où…
Puis vient l’opération, première étape d’une guerre contre un élément défaillant du corps …
J’ai été opérée le 13 janvier 1995 a 8h. Elle a duré 3h30, je suis rentrée dans ma chambre le soir même. Lorsque j’ai ouvert les yeux mon mari était à mes côtés, donc j’étais vivante, mais je ne pouvais rien dire, j’étais trop émue d’être là, et avec lui, et parmi eux. J’étais encore assommée par l’anesthésie mais quand je me suis vraiment réveillée, la première chose que j’ai faite c’était de mettre la main sur mon sein, mais la couche de pansement m’empêchait de sentir quoique ce soit.
Le chirurgien est venu m’informer de l’opération, tout s’était bien passé, il avait pratiqué une ablation partielle du sein puis d’une zone de sécurité, et une ablation de la chaine ganglionnaire du bras droit ainsi qu’une intervention en vue d’une possible reconstruction mammaire. Je me suis alors dit que ça allait, je l’entends encore m’annoncer tout cela. Et durant tout son discours je passais d’une émotion à une autre: entre peur, espoir, c’était très fort…
10 jours pour attendre la réponse: cancer ou pas cancer ?
Il fallait attendre 10 jours interminables pour savoir si cette grosseur était ou non cancéreuse, et si elle était à quel degré ?
Pour attendre, je voyais mon mari, mes enfants. Ils allaient bien et j’étais entourée de ceux que j’aimais. Le dixième jour le médecin est passé me voir, tard. Il était 20h30. Il est entré dans la chambre et m’a annoncé sans prendre de chemin que j’éteins atteinte d’un cancer du sein, que j’avais une tumeur de 2,5 cm de diamètre. Un cancer stade 3, qui nécessitait des séances de chimiothérapie et de radiothérapie. Je lui ai alors seulement répondu que j’allais m’en sortir. Il avait alors répondu qu’il n’y avait pas de raison que j’étais trop jeune pour avoir un cancer, et qu’il fallait faire rapidement barrage à cette maladie.
Qu’avez-vous ressenti à cette annonce ?
En fait je voyais mes enfants et mon mari, toute ma force pour lutter je l’ai puisée en pensant à eux. Je pensais aussi à ma mère dont il fallait que je m’occupe avant qu’elle ne parte. On nous avait annoncé qu’elle était atteinte de la maladie rare et incurable de Charcot en octobre 1994, puis qu’elle allait rester auprès de nous au grand maximum 9 mois. Je pense encore aujourd’hui que j’ai contracté ce Cancer suite à un choc émotionnel: celui de l’annonce de la maladie et de la future disparition de ma mère.
Que s’est-il passé après cette opération ?
Je reprenais doucement des forces entourée de ma famille, mais dès que j’étais seule je me posais des milliers de questions. Je me demandais pourquoi cela m’arrivait, comment cela a pu se produire. Mais surtout je me demandais comment mon mari me regardait, car j’avais un sein atrophié, je me demandais comment je pouvais le cacher et si mon mari voudrait encore de moi… Puis je me rappelais que je ne pouvais encore rien prévoir, car je ne savais pas si je m’en sortirais, je n’avais même pas encore commencé les traitements. J’étais effrayée quand j’étais seule. Et si je disparaissais, que feraient mes enfants, mon mari et ma mère ?
Votre réaction en voyant ce sein opéré ?
Et en fait les journées passaient et est venu le moment de changer pour la première fois mon pansement, j’allais voir ce sein mutilé… L’infirmière avait été très compréhensive et me rassurait en me disant qu’il allait être de toutes les couleurs et gonflé, que c’était normal etc. C’était un vrai choc pour moi, le voir comme ça, voir ce qu’il en restait, c’était horrible. Je ne pouvais pas parler, j’étais vraiment choquée. Je me suis alors dit que si j’allais vivre j’allais le faire avec « ça ». Puis j’ai eu une grande discussion avec l’infirmière qui m’a aidée à me dire que l’important était d’être là, et c’est ce qui importait. Puis le trou noir, je suis tombée dans les pommes, trop d’émotions, trop de questions…
Puis le retour à la maison ?
On m’a laissée rentrer à la maison et cela a contribué à ma guérison. Mais il fallait tout prévoir car je ne pouvais vraiment rien faire. Mon mari a pris les choses en main et a tout géré:son travail, les enfants, les courses, le ménage. Il a été formidable. Et ma convalescence se passait bien et ma mère est revenue à la maison. Son état empirait, elle était toujours alitée, ne se nourrissait plus seule, il fallait la changer, la laver, lui mettre des couches. Mon mari a participé à tout cela, je l’en remercie tellement.
Les premières thérapies …
Les premières séances de radiothérapie sont arrivées. Je devais parcourir 100 kilomètres tous les jours à l’aller comme au retour pour mes séances de radiothérapie, et une fois par mois pour les séances de chimiothérapie, pendant six mois.
Les premières fois lorsque j’ai vu ces gens à l’hôpital qui étaient déjà en traitement j’ai eu peur, ils avaient tous le teint si pâle, plus de cheveux, ces envies de vomir, et le fait de se sentir aussi mal, cela m’a fait beaucoup réfléchir. Mais au lieu de flancher je me suis dit que ce n’était rien à côté de la vie, et que s’il fallait passer par là pour retrouver une vie normale je le ferais, je tiendrais… Je devais me battre pour ma famille, pour les miens, et surtout pour moi, c’était ma devise depuis le début du traitement.
La première radiothérapie et surtout la salle d’attente …
Le premier rendez-vous au Centre de cancérologie est arrivé. Il était question du cadrage pour la radiothérapie. C’était horrible. Je me posais beaucoup de questions sur ce qu’ils allaient faire, est-ce que c’était douloureux, comment cela allait se passer… En entrant il y avait ces gestes habituels: l’accueil, expliquer pourquoi on est ici, ce qu’on a eu, donner son nom, puis attendre. Rejoindre la salle d’attente. La première fois j’étais très impressionnée de voir qu’il y avait autant de monde mais je n’osais regarder personne, j’avais trop peur d’ouvrir les yeux sur une réalité qui ne me plaisait pas: la difficulté du traitement. Il y avait ces gens qui n’avaient plus de cheveux et se mettaient un bandana, d’autres en fauteuil roulant, tous avec ce même regard vide. Et j’avais peur car je débarquais pour ma première radiothérapie et j’avais encore mes cheveux et le teint rosé, et tout le courage possible mêlé à l’espoir, et je les voyais tous fatigués de se battre. Parfois on ne ressent même plus le courage dans les yeux des autres, et je n’arrivais pas à les regarder. Tout ce que je pensais s’était envolé en les voyant et il ne restait plus que la peur et d’autres doutes. Les cabines s’ouvraient et on appelait des gens qui entraient, et ressortaient ensuite. Mais je ne comprenais pas où ils allaient et ce qu’on faisait dans ces cabines. Puis c’est mon tour, je faisais comme les autres, je suivais l’infirmière, j’entrais dans cet endroit. Et là je découvrais les grandes machines, j’étais perdue et désorientée. L’infirmière avait alors senti ma panique et essayait de me rassurer avec des mots gentils. Le pire pour moi était de me déshabiller et de montrer ce sein meurtri et atrophié. Encore des mots rassurant et c’était parti pour des explications d’un autre médecin, marquages, mesures, dessins sur a poitrine et quelques points de tatouage (que j’ai toujours), et c’était lancé… Installée sur une grande table vec une énorme machine au dessus de moi, comme une radio, il ne fallait plus bouger pour ne pas brûler les zones autour de celle traitée, puis des ordonnances de Biafine pour mettre sur la peau, et rentrer à la maison et faire comme si de rien n’était auprès des enfants et recommencer cela tous les jours pendant six mois: l’ambulance, les 100kms de trajet, le secrétariat, la salle d’attente, la séance, le trajet, etc…
La pose du port à quatre et la chimiothérapie
Au bout du premier mois de traitement il fallait me poser un port à quatre pour faire passer la chimiothérapie. J’ai alors vécu une opération sous anesthésie locale (dont je garde un très mauvais souvenir, mais je n’étaierais pas cela ici). S’en suivait des prises de sang, des allers retour à l’hôpital avec la première fois une grande appréhension aussi, des questions sur la procédure et surtout sur les effets que j’allais ressentir: perte de cheveux ? Perte de poids ? Pâleur ? Douleurs ? Vomissements ? J’avais peur, très peur… Surtout de ne pas être là pour ma famille, cette angoisse là me collait à la peau…
La première chimiothérapie était intense en émotions. Quand je suis arrivée dans la pièce il y avait une quinzaine de lits avec d’autres occupants, on m’a demandé de me mouiller les cheveux, puis de mettre une sorte de casque en plastique congelé sur la tête. J’ai voulu fuir, courir vers la sortie et partir, mais je n’ai pas réussi à bouger. Je me rappelle surtout de l’odeur que l’on trouvait partout, même dans l’urine… L’infirmière m’a alors parlé et rassurée, elle m’a tout expliqué, et moi je regardais les autres malades. Certaines m’ont souri, et là je me suis effondrée en larmes, j’ai craqué. L’équipe médicale et les autres malades ont été d’un grand soutien, des encouragements, de la patience. J’ai appris la patience durant ces séances, car attendre deux heures et sentir les effets de la chimiothérapie.
Les séances se déroulaient toujours de la même manière, la prise de sang, puis la chimio. A ma 4ème séance la prise de sang n’était pas bonne et je n’ai pas pu avoir ma séance de chimiothérapie, mes plaquettes étaient trop basses. Pour la dernière séance c’était pareil, mes prises de sang n’étaient pas bonnes et il fallait du repos. J’étais très fatiguée et stressée, épuisée par tout cela, mais le meilleur moment reste quand il vous dit qu’au vu de mes résultats le traitement fonctionne.
Quels ont été les effets de la chimiothérapie sur vous ?
Pour ma part je n’ai jamais vomi durant les séances, ni même après. Je n’ai pas non plus perdu mes cheveux, c’était à cela que servait le casque humide et froid apparemment. Par contre j’ai pris 18 kilos alors que pendant 6 mois je me nourrissais exclusivement de pain grillé, de coca cola battu (pour éviter les bulles), d’eau, de fromage blanc et de quelques pâtes. Je n’avais pas faim
Dans votre famille y avait il eu d’autres cas de cancer ?
Oui, dans la famille , nous avons eu d’autres cas de cancer, la maladie de Charcot, c’est une forme de cancer mais apparemment ce n’est pas héréditaire. Et récemment la mère de mon mari a eu un cancer du pancréas, auquel elle n’a pas survécu, elle s’est éteinte il y a un mois de cela…
Et après ? Comment a été ce retour à la réalité ? L’après cancer ?
La progression de la maladie de ma mère était fulgurant, rapide et très difficile à gérer, je n’avais pas le droit de la lâcher. Elle qui avait toujours été là pour moi avait aujourd’hui besoin de moi, et je me devais d’être debout pour elle. Indirectement elle m’a aidée à tenir le coup. Le 8 juillet 1995 elle nous a quittés. Je venais de finir mon traitement et elle est partie. C’était encore une épreuve et un choc pour moi, mais aussi pour toute ma petite famille. On dit que le temps passe et qu’il efface les plaies, même les miennes. C’est sûr que de mon sein il n’en restait qu’un bout difforme et j’avais toujours les mêmes questions, mais je me battais.
La rémission…
L’annonce de la rémission était un grand moment, mais avec en fond des doutes et des questions car rémission ne veut pas dire guérison. Il était possible que je doive tout recommencer, tout revivre, tout resupporter, ou pas. Les visites chez le cancérologue et les examens continuaient, tous les six mois j’y retournais et je subissais à nouveau ces doutes, ces peurs, ces pleurs, ces angoisses d’un annonce d’un retour de la maladie. Mais l’innocence et la joie de mes enfants me faisaient garder la tête sur les épaules et ces petits riens de tous les jours étaient importants.
Ces lettres que j’avais écrites peu avant mon opération du sein, je les ai brûlées cinq ans après cette date, jour pour jour le 13 janvier 2000.
Un mot pour celles qui -actuellement- se battent ?
Oh oui ! Je vous souhaite bon courage ! Gardez la tête haute et sachez qu’on peut en guérir, je suis bien là moi, 15 ans après, je suis toujours suivie, meurtrie, mais guérie et entourée. Il faut tenir bon même dans ces moments de grande solitude… Il faut garder cet espoir, car c’est la flamme.
Je souhaite aussi remercier ces équipes de médicales qui dans ces épreuves très difficiles sont là et font du mieux qu’elles peuvent pour vous soulager, vous soigner, vous écouter et vous rassurer, et faire bien plus encore. Ces gens font partie de l’épreuve et heureusement qu’ils sont là, sinon les malades ne le seraient plus: là.
Avez vous appris quelque chose et pendant et suite à cette maladie ?
Ce que j’ai appris pendant ma maladie? En traversant toutes ces phases: de douleur, de peur et de crainte, entre les bonnes nouvelles et surtout l’espoir… Il faut toujours se dire « Je vais y arriver ». Ce n’était vraiment pas facile tous les jours de se le dire, mais le moral, l’envie,l’espoir, sont des atouts incontournables pour aller vers la guérison.
Que pensez vous quand vous allez faire vos check-up, et tests réguliers d’après cancer, lorsque vous voyez ces femmes malades ?
Je me revois systématiquement quelques années en arrière, dans la même crainte, avec cette même peur, ces mêmes attentes, ce même espoir.
Votre couple a-t-il survécu à cette maladie ? Si oui comment, si non comment ?
Mon couple a très bien survécu à tout cela, mais je ne vous cache pas que ce n’était pas toujours facile. Le problème venait de moi et non de mon mari, j’avais honte de ce corps massacré et mutilé. Ensuite est venu le moment de la pose de ma prothèse partielle du sein, il y a eu les douleurs et autres, mais je l’ai bien vécu, et c’était dans ma tête que tout se passait. Et là encore mon mari était très bien, il me disait parfois quand je l’embêtais avec mes remarques: « J’ai dit oui pour le meilleur et pour le pire ».
Et si votre fille vous apprenait qu’elle a un cancer, comment réagiriez-vous  ?
Je serais anéantie, mais je me reprendrais très vite car le cancer de nos jours se soigne assez bien, mais surtout elle aura besoin de moi, de nous, d’être entourée, et de pouvoir en parler.
Ma fille parle souvent de cela, car je pense qu’elle a très peur d’en avoir un, je connais son sens de la féminité comme toute femme d’ailleurs, comme moi également, et ce que représente pour elle sa poitrine: un symbole plus qu’évident de sa féminité.
Qu’est ce qui a été le pire pour vous dans ce Cancer?
Le pire c’est que cette maladie vous tue à petit feu et qu’il n’y a rien en face de vous contre quoi vous battre. On ne voit pas la maladie, on la ressent. Il faut être dur et assumer un travail mental. Moi j’avais une famille, et je ne pouvais pas la laisser…
Qu’est ce qui vous a fait tenir ?
D’abord l’amour de mes proches, puis mon orgueil car je ne pouvais pas me laisser vaincre par ce quelque chose qui me faisait du mal, cette chose sournoise que je ne voyais pas. J’ai déclaré la guerre par peur de mourir.
Ce qui était surnaturel c’était tous ces gens dans cette grande salle en pleine séance de chimiothérapie, tous  allongés, branchés, casqués, dans ces lits côte à côte, qui dormaient, lisaient ou pleuraient…

 

© « Le Cancer du Sein, Parlons-en ! »


Bonjour D.

Merci d’avoir accepté et pris le temps de répondre à ces questions, et de partager votre vécu de cette maladie…

Je trouvais cela normal de témoigner, on parle de plus en plus de ce cancer et les recherches évoluent, ça a du bon. Il faut en parler, c’est une épreuve difficile et il est important de pouvoir partager cette expérience. On en parle beaucoup mais lorsqu’on apprend qu’on l’a, on se sent très seule, vraiment très seule. De plus je n’en avais jamais eu l’occasion auparavant, j’ai traversé cela avec ma famille mais on n’en parle peu car on a dépassé cela, mais en parler c’est aussi montrer qu’il y a un après cancer. Le passé est le passé, mais les cicatrices sont là, elles restent…

De plus c’est le mois idéal pour en parler: l’Octobre Rose ! Alors le Cancer du Sein: parlons-en !

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Comment avez-vous appris que vous étiez atteinte d’un cancer du sein ?

Mon calvaire a commencé en décembre, plus précisément le 25 décembre 1994 au soir. J’avais mal à mon sein droit, mais je n’y prêtais pas trop d’importance, car avant les menstruations une femme a toujours les seins qui font plus ou moins mal. A cette époque j’avais 35 ans et 1 mois, j’étais très jeune. Mais le 26 au matin mon sein avait triplé de volume et était très douloureux, insupportable même, comme une sensation d’être en feu, donc mon mari m’a emmenée en urgence à l’hôpital pour voir mon gynécologue.

A peine arrivés pour la visite, le médecin a constaté que c’était grave, il parlait peu mais son silence et son regard voulaient dire beaucoup, il m’a tout de suite fait passer une mammographie. Un tel examen sur un sein gonflé et douloureux était un calvaire, puis est venu le résultat: j’avais une grosseur de la taille d’un petit pois. Le médecin m’a alors annoncé qu’il fallait me faire une ponction dans la grosseur pour en retirer un peu de liquide pour découvrir si c’était malin et donc cancéreux ou non…

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L’annonce de la maladie…

Au bout d’une heure la réponse est arrivée. J’étais assise à côté de mon mari et en face du médecin, il me regarde puis les radios, et enfin, je ne sais pas si je dois dire enfin mais c’était la fin de l’attente, et ….. je n’avais pas peur à ce moment là, car j’avais trop mal et puis je ne pensais pas que je pouvais avoir un cancer du sein, pas moi… Le médecin m’annonce que la grosseur était maligne et que je devais me faire opérer. Là il a commencé à me parler de tout ce qui allait avec cette opération: les risques d’une ablation totale ou partielle, entre autres. Je comprenais tout ce qu’il me disait, mais cela semblait si irréel…

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Comment avez-vous alors réagi ?

Le temps était très court et très long en même temps, j’étais comme dans une bulle irréelle, et puis j’ai compris l’importance du mal qui me rongeait. Très vite aussi j’ai pris conscience de la gravité et j’ai pensé à mon mari, à mes enfants, et à ma mère qui était mourante, car quelques semaines auparavant on lui avait détecté la maladie de Charcot, et on lui donnait au plus neuf mois à vivre… Je soignais cette mère malade, et en cet instant tout défilait dans ma tête, des questions comme « Qui allait s’occuper d’elle ? De mes enfants ? De mon mari ?». Je pensais à ces choses qui faisaient mon quotidien et dont je m’occupais tous les jours, ces éléments qui étaient ma raison de vivre. Et là, c’était comme un tremblement de terre, une faille qui s’ouvrait sous moi et qui dévastait toute ma vie bien rangée et déjà secouée par la maladie de ma mère… Puis le trou noir, j’ai fondu en larmes. Mon mari et moi nous avons beaucoup pleuré dans le bureau de ce médecin. Puis nous avons parlé, très longtemps apparemment mais je ne saurais dire combien exactement. Nous avons été pris en charge par ce médecin qui a pris de son temps pour nous expliquer la maladie, ses effets, puis l’opération, les risques, les possibilités etc…

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C’était le début du traitement contre la maladie, c’est ça ?

Oui. Mon traitement a commencé dans ce bureau, avec ce médecin. J’ai reçu des anti-inflammatoires et d’autres médicaments en vue d’une opération pour enlever cette grosseur. C’était comme un chemin qui m’emmenait sans que je m’en rende compte, j’étais emportée par la ronde des examens de préparation de l’opération, les prises de sang, les radios des poumons, l’anesthésiste… J’étais encore dans cette spirale dans laquelle je n’avais aucun contrôle sur mes faits et gestes et où ma seule possibilité était l’attente.

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Puis un retour à la maison avant l’opération ?

Je suis rentrée à la maison pour quelques temps avant mon opération. Le retour à ce qui était ma vie était difficile. La réalité m’effrayait. Je voyais ma mère alitée, très gravement malade, puis mes enfants de 15 et 8 ans qui avaient besoin de moi. J’ai alors inconsciemment donné l’image d’une femme forte car pour eux je devais l’être. Ils ne devaient pas connaître la gravité de mon état, je gardais la tête haute, je souriais devant ma mère. D’ailleurs ça venait naturellement, c’était même incontrôlé, je me rappelais qu’elle me disait toujours « garde le sourire quoiqu’il arrive ». Mais combien de fois j’ai craqué lorsque j’étais seule ou avec mon mari…

C’était aussi le moment de s’organiser: « Qui allait s’occuper des enfants ? » et « Qui allait s’occuper de ma mère ? », là mon frère a pris la relève durant mon hospitalisation, et mon mari a changé de poste, il n’était que du matin pour pouvoir s’occuper des enfants le soir. Et une amie était là pour le mercredi. Je remercie encore ces personnes pour m’avoir aidée, car la maladie a chamboulé notre vie.

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Comment vos enfants ont réagi face à l’opération et la maladie ?

Il fallait dire aux enfants que j’allais me faire opérer, mais tout en rassurant que je reviendrais très vite à la maison. Mais là je parlais de choses encore inconnues car je ne savais rien du futur, ni si l’opération allait bien se passer, ni même si je guérirais du cancer. Car l’opération n’était que la première étape qui si elle se passait bien, amènerait encore beaucoup d’autres étapes. Mais nous n’en étions pas encore là. Malgré cela il fallait quand même rassurer les enfants alros que moi-même je ne l’étais pas: rassurée. J’ai alors pris les devants, j’ai écris trois lettres, une pour chaque enfant, et une pour mon mari, au cas où…

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Puis vient l’opération, première étape d’une guerre contre un élément défaillant du corps …

J’ai été opérée le 13 janvier 1995 a 8h. Elle a duré 3h30, je suis rentrée dans ma chambre le soir même. Lorsque j’ai ouvert les yeux mon mari était à mes côtés, donc j’étais vivante, mais je ne pouvais rien dire, j’étais trop émue d’être là, et avec lui, et parmi eux. J’étais encore assommée par l’anesthésie mais quand je me suis vraiment réveillée, la première chose que j’ai faite c’était de mettre la main sur mon sein, mais la couche de pansement m’empêchait de sentir quoique ce soit.

Le chirurgien est venu m’informer de l’opération, tout s’était bien passé, il avait pratiqué une ablation partielle du sein puis d’une zone de sécurité, et une ablation de la chaine ganglionnaire du bras droit ainsi qu’une intervention en vue d’une possible reconstruction mammaire. Je me suis alors dit que ça allait, je l’entends encore m’annoncer tout cela. Et durant tout son discours je passais d’une émotion à une autre: entre peur et espoir, c’était très fort…

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10 jours pour attendre la réponse: cancer ou pas cancer ?

Il fallait attendre 10 jours interminables pour savoir si cette grosseur était ou non cancéreuse, et si elle était à quel degré ?

Pour attendre, je voyais mon mari, mes enfants. Ils allaient bien et j’étais entourée de ceux que j’aimais. Le dixième jour le médecin est passé me voir, tard. Il était 20h30. Il est entré dans la chambre et m’a annoncé sans prendre de chemin que j’étais atteinte d’un cancer du sein, que j’avais une tumeur de 2,5 cm de diamètre. Un cancer stade 3, qui nécessitait des séances de chimiothérapie et de radiothérapie. Je lui ai alors seulement répondu que j’allais m’en sortir. Il avait alors répondu qu’il n’y avait pas de raison que j’étais trop jeune pour avoir un cancer, et qu’il fallait faire rapidement barrage à cette maladie.

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Qu’avez-vous ressenti à cette annonce ?

En fait je voyais mes enfants et mon mari, toute ma force pour lutter je l’ai puisée en pensant à eux. Je pensais aussi à ma mère dont il fallait que je m’occupe avant qu’elle ne parte. On nous avait annoncé qu’elle était atteinte de la maladie rare et incurable de Charcot en octobre 1994, puis qu’elle allait rester auprès de nous au grand maximum 9 mois. Je pense encore aujourd’hui que j’ai contracté ce Cancer suite à un choc émotionnel: celui de l’annonce de la maladie et de la future disparition de ma mère.

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Que s’est-il passé après cette opération ?

Je reprenais doucement des forces entourée de ma famille, mais dès que j’étais seule je me posais des milliers de questions. Je me demandais pourquoi cela m’arrivait, comment cela a pu se produire. Mais surtout je me demandais comment mon mari me regardait, car j’avais un sein atrophié, je me demandais comment je pouvais le cacher et si mon mari voudrait encore de moi… Puis je me rappelais que je ne pouvais encore rien prévoir, car je ne savais pas si je m’en sortirais, je n’avais même pas encore commencé les traitements. J’étais effrayée quand j’étais seule. Et si je disparaissais, que feraient mes enfants, mon mari et ma mère ?

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Votre réaction en voyant ce sein opéré ?

Et en fait les journées passaient et est venu le moment de changer pour la première fois mon pansement, j’allais voir ce sein mutilé… L’infirmière avait été très compréhensive et me rassurait en me disant qu’il allait être de toutes les couleurs et gonflé, que c’était normal etc. C’était un vrai choc pour moi, le voir comme ça, voir ce qu’il en restait, c’était horrible. Je ne pouvais pas parler, j’étais vraiment choquée. Je me suis alors dit que si j’allais vivre j’allais le faire avec « ça ». Puis j’ai eu une grande discussion avec l’infirmière qui m’a aidée à me dire que l’important était d’être là, et c’est ce qui importait. Puis le trou noir, je suis tombée dans les pommes, trop d’émotions, trop de questions…

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Puis le retour à la maison ?

On m’a laissée rentrer à la maison et cela a contribué à ma guérison. Mais il fallait tout prévoir car je ne pouvais vraiment rien faire. Mon mari a pris les choses en main et a tout géré:son travail, les enfants, les courses, le ménage. Mon mari a été formidable. Et ma convalescence se passait bien et ma mère est revenue à la maison. Son état empirait, elle était toujours alitée, ne se nourrissait plus seule, il fallait la changer, la laver, lui mettre des couches. Mon mari a participé à tout cela, je l’en remercie tellement.

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Les premières thérapies …

Les premières séances de radiothérapie sont arrivées. Je devais parcourir 100 kilomètres tous les jours à l’aller comme au retour pour mes séances de radiothérapie, et une fois par mois pour les séances de chimiothérapie, pendant six mois.

Les premières fois lorsque j’ai vu ces gens à l’hôpital qui étaient déjà en traitement j’ai eu peur, ils avaient tous le teint si pâle, plus de cheveux, ces envies de vomir, et le fait de se sentir aussi mal, cela m’a fait beaucoup réfléchir. Mais au lieu de flancher je me suis dit que ce n’était rien à côté de la vie, et que s’il fallait passer par là pour retrouver une vie normale je le ferais, je tiendrais… Je devais me battre pour ma famille, pour les miens, et surtout pour moi, c’était ma devise depuis le début du traitement.

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La première radiothérapie et surtout la salle d’attente …

Le premier rendez-vous au Centre de cancérologie est arrivé. Il était question du cadrage pour la radiothérapie. C’était horrible. Je me posais beaucoup de questions sur ce qu’ils allaient faire, est-ce que c’était douloureux, comment cela allait se passer… En entrant il y avait ces gestes habituels: l’accueil, expliquer pourquoi on est ici, ce qu’on a eu, donner son nom, puis attendre. Rejoindre la salle d’attente. La première fois j’étais très impressionnée de voir qu’il y avait autant de monde mais je n’osais regarder personne, j’avais trop peur d’ouvrir les yeux sur une réalité qui ne me plaisait pas: la difficulté du traitement. Il y avait ces gens qui n’avaient plus de cheveux et se mettaient un bandana, d’autres en fauteuil roulant, tous avec ce même regard vide. Et j’avais peur car je débarquais pour ma première radiothérapie et j’avais encore mes cheveux et le teint rosé, et tout le courage possible mêlé à l’espoir, et je les voyais tous fatigués de se battre. Parfois on ne ressent même plus le courage dans les yeux des autres, et je n’arrivais pas à les regarder. Tout ce que je pensais s’était envolé en les voyant et il ne restait plus que la peur et d’autres doutes. Les cabines s’ouvraient et on appelait des gens qui entraient, et ressortaient ensuite. Mais je ne comprenais pas où ils allaient et ce qu’on faisait dans ces cabines. Puis c’est mon tour, je faisais comme les autres, je suivais l’infirmière, j’entrais dans cet endroit. Et là je découvrais les grandes machines, j’étais perdue et désorientée. L’infirmière avait alors senti ma panique et essayait de me rassurer avec des mots gentils. Le pire pour moi était de me déshabiller et de montrer ce sein meurtri et atrophié. Encore des mots rassurants et c’était parti pour des explications d’un autre médecin, marquages, mesures, dessins sur ma poitrine et quelques points de tatouage (que j’ai toujours), et c’était lancé… Installée sur une grande table vec une énorme machine au dessus de moi, comme une radio, il ne fallait plus bouger pour ne pas brûler les zones autour de celle traitée, puis des ordonnances de Biafine pour mettre sur la peau, et rentrer à la maison et faire comme si de rien n’était auprès des enfants et recommencer cela tous les jours pendant six mois: l’ambulance, les 100kms de trajet, le secrétariat, la salle d’attente, la séance, le trajet, etc…

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La pose du port à quatre et la chimiothérapie

Au bout du premier mois de traitement il fallait me poser un port à quatre pour faire passer la chimiothérapie. J’ai alors vécu une opération sous anesthésie locale (dont je garde un très mauvais souvenir, mais je n’étaierais pas cela ici). S’en suivait des prises de sang, des aller-retour à l’hôpital avec la première fois une grande appréhension aussi, des questions sur la procédure et surtout sur les effets que j’allais ressentir: perte de cheveux ? Perte de poids ? Pâleur ? Douleurs ? Vomissements ? J’avais peur, très peur… Surtout de ne pas être là pour ma famille, cette angoisse là me collait à la peau…

La première chimiothérapie était intense en émotions. Quand je suis arrivée dans la pièce il y avait une quinzaine de lits avec d’autres occupants, on m’a demandé de me mouiller les cheveux, puis de mettre une sorte de casque en plastique congelé sur la tête. J’ai voulu fuir, courir vers la sortie et partir, mais je n’ai pas réussi à bouger. Je me rappelle surtout de l’odeur que l’on trouvait partout, même dans l’urine… L’infirmière m’a alors parlé et rassurée, elle m’a tout expliqué, et moi je regardais les autres malades. Certaines m’ont souri, et là je me suis effondrée en larmes, j’ai craqué. L’équipe médicale et les autres malades ont été d’un grand soutien, des encouragements, de la patience. J’ai appris la patience durant ces séances, car attendre deux heures et sentir les effets de la chimiothérapie.

Les séances se déroulaient toujours de la même manière, la prise de sang, puis la chimio. A ma 4ème séance la prise de sang n’était pas bonne et je n’ai pas pu avoir ma séance de chimiothérapie, mes plaquettes étaient trop basses. Pour la dernière séance c’était pareil, mes prises de sang n’étaient pas bonnes et il fallait du repos. J’étais très fatiguée et stressée, épuisée par tout cela, mais le meilleur moment reste quand il vous dit qu’au vu de mes résultats le traitement fonctionne.

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Quels ont été les effets de la chimiothérapie sur vous ?

Pour ma part je n’ai jamais vomi durant les séances, ni même après. Je n’ai pas non plus perdu mes cheveux, c’était à cela que servait le casque humide et froid apparemment. Par contre j’ai pris 18 kilos alors que pendant 6 mois je me nourrissais exclusivement de pain grillé, de coca cola battu (pour éviter les bulles), d’eau, de fromage blanc et de quelques pâtes. Je n’avais pas faim…

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Dans votre famille y avait il eu d’autres cas de cancer ?

Oui, dans la famille , nous avons eu d’autres cas de cancer, la maladie de Charcot, c’est une forme de cancer mais apparemment ce n’est pas héréditaire. Et récemment la mère de mon mari a eu un cancer du pancréas, auquel elle n’a pas survécu, elle s’est éteinte il y a un mois de cela…

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Et après ? Comment a été ce retour à la réalité ? L’après cancer ?

La progression de la maladie de ma mère était fulgurant, rapide et très difficile à gérer, je n’avais pas le droit de la lâcher. Elle qui avait toujours été là pour moi avait aujourd’hui besoin de moi, et je me devais d’être debout pour elle. Indirectement elle m’a aidé à tenir le coup. Le 8 juillet 1995 ma mère nous a quittés. Je venais de finir mon traitement et elle est partie. C’était encore une épreuve et un choc pour moi, mais aussi pour toute ma petite famille. On dit que le temps passe et qu’il efface les plaies, même les miennes. C’est sûr que de mon sein il n’en restait qu’un bout difforme et j’avais toujours les mêmes questions, mais je me battais.

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La rémission…

L’annonce de la rémission était un grand moment, mais avec en fond des doutes et des questions car rémission ne veut pas dire guérison. Il était possible que je doive tout recommencer, tout revivre, tout resupporter, ou pas. Les visites chez le cancérologue et les examens continuaient, tous les six mois j’y retournais et je subissais à nouveau ces doutes, ces peurs, ces pleurs, ces angoisses d’un annonce d’un retour de la maladie. Mais l’innocence et la joie de mes enfants me faisaient garder la tête sur les épaules et ces petits riens de tous les jours étaient importants.

Ces lettres que j’avais écrites peu avant mon opération du sein, je les ai brûlées cinq ans après cette date, jour pour jour le 13 janvier 2000.

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Un mot pour celles qui -actuellement- se battent ?

Oh oui ! Je vous souhaite bon courage ! Gardez la tête haute et sachez qu’on peut en guérir, je suis bien là moi, 15 ans après, je suis toujours suivie, meurtrie, mais guérie et entourée. Il faut tenir bon même dans ces moments de grande solitude… Il faut garder cet espoir, car c’est la flamme.

Je souhaite aussi remercier ces équipes médicales qui dans ces épreuves très difficiles sont là et font du mieux qu’elles peuvent pour vous soulager, vous soigner, vous écouter et vous rassurer, et faire bien plus encore. Ces gens font partie de l’épreuve et heureusement qu’ils sont là, sinon les malades ne le seraient plus: là.

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Avez vous appris quelque chose et pendant et suite à cette maladie ?

Ce que j’ai appris pendant ma maladie? En traversant toutes ces phases: de douleur, de peur et de crainte, entre les bonnes nouvelles et surtout l’espoir… Il faut toujours se dire « Je vais y arriver ». Ce n’était vraiment pas facile tous les jours de se le dire, mais le moral, l’envie, l’espoir, sont des atouts incontournables pour aller vers la guérison.

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Que pensez vous quand vous allez faire vos check-up, et tests réguliers d’après cancer, lorsque vous voyez ces femmes malades ?

Je me revois systématiquement quelques années en arrière, dans la même crainte, avec cette même peur, ces mêmes attentes, ce même espoir.

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Votre couple a-t-il survécu à cette maladie ? Si oui comment, si non comment ?

Mon couple a très bien survécu à tout cela, mais je ne vous cache pas que ce n’était pas toujours facile. Le problème venait de moi et non de mon mari, j’avais honte de ce corps massacré et mutilé. Ensuite est venu le moment de la pose de ma prothèse partielle du sein, il y a eu les douleurs et autres, mais je l’ai bien vécu, et c’était dans ma tête que tout se passait. Et là encore mon mari était très bien, il me disait parfois quand je l’embêtais avec mes remarques: « J’ai dit oui pour le meilleur et pour le pire ».

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Qu’est ce qui a été le pire pour vous dans ce Cancer ?

Le pire c’est que cette maladie vous tue à petit feu et quil n’y a rien en face de vous contre quoi vous battre. On ne voit pas la maladie, on la ressent. Il faut être dur et assumer un travail mental. Moi j’avais une famille, et je ne pouvais pas la laisser

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Qu’est ce qui vous a fait tenir ?

D’abord l’amour de mes proches, puis mon orgueil car je ne pouvais pas me laisser vaincre par ce quelque chose qui me faisait du mal, cette chose sournoise que je ne voyais pas. J’ai déclaré la guerre par peur de mourir.

Ce qui était surnaturel c’était tous ces gens dans cette grande salle en pleine séance de chimiothérapie, tous  allongés, branchés, casqués, dans ces lits côte à côte, qui dormaient, lisaient ou pleuraient…

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Le Cancer du Sein, sujet qui me tient vraiment à coeur, n’importe quel cancer d’ailleurs. Une maladie difficile, répandue et difficilement guérissable, même si des traitements existent et que la Recherche avance.

En tous cas je tiens à remercier D. pour son témoignage simple et poignant. Merci pour ces détails, merci d’avoir pris le courage et de partager ces impressions, ces peurs et ces doutes avec nous. Je sais combien il peut être difficile d’en parler, merci d’être sortie de ce silence, de ce passé révolu mais qui quotidiennement t’es rappelé par tes cicatrices, tes douleurs et tes difficultés à user de ton bras. Mais tu es là, et tu as parlé, tu as contribué à répondre à des questions et interrogations liées à ce cancer. Et c’est très courageux. Encore Merci !


Si vous souhaitez la contacter, lui dire un mot, n’hésitez pas à commenter cet article, je lui transmettrais. Cette interview était publiée sur mon ancien blog, et étant très importante pour moi, je l’ai re-publiée ici.


12 commentaires

  1. nalou

    merci
    je ne sais pas que dire de plus
    merci pour cette publication, le courage et la pudeur des mots

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  2. Daria

    Si je n’ai pas pleuré à la lecture de cet article, c’est parce que j’essaie d’être un peu moins émotive, mais c’est comme si c’était arrivé.
    Je n’ai pas vécu personnellement cette terrible épreuve du cancer mais je pense que ce témoignage que tu nous offres pourra faire du bien à beaucoup de personnes tant il décrit très justement – je pense – ce qu’on peut ressentir de l’intérieur face à ce genre de cataclysme. C’est comme un attentat sur le corps.
    Il faut le faire tourner sur la blogo (et ailleurs), je vais d’ailleurs le linker à partir de mon blog dés demain, même avec 10 lecteurs, ça sera toujours ça de pris :).

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  3. Koalisa

    J’ai des amies qui ont eu un cancer du sein mais je n’ai jamais trop osé poser de questions. Merci pour ce témoignage très émouvant !

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  4. maviedebrune

    Tellement touchant. C’est un très beau combat. J’ai actuellement des soucis de santé, beaucoup moins grave que ça, mais depuis 10 mois je me dis aussi:  » je vais y arriver ». Et même si c’est pas tous les jours faciles c’est le meilleur moyen de tenir le coup.
    En tout cas, Bravo à D. Pour son combat, son témoignage, sa force !!

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  5. Juskowiak

    Très émouvant j en pleure Denise tu m as ouvert les yeux et enlever certaines craintes pas toutes mais dans ce texte je me dis que le mieu c est dans parler bisous à vous

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  6. carine MOELLINGER dite cherryblues

    Bonjour, elle à eu beaucoup de courage, j’ai un cancer des seins depuis 2007, j’ai subit 13 opérations dont la dernière: amputation des deux seins, j’ai servis de cobaye à la médecine en passant par la chimio,les rayons et traitements en tout genre, mais le crabe est toujours là ( bon il se stabilise mais avec des petites piqûres de rappel de temps en temps ) J’ai subit tout ça seule!!! maintenant je sais qui sont mes vraies ami(e)s. Aucune reconstructions possible, et dans mon malheur j’ai pris 20kl comme 25% des cancéreux . Je ne suis plus une femme, j’ai 61 ans et je refuse tout traitements car les dommages collatéraux ne sont pas faciles….diabète, pose d’une prothèse dentaire entière du haut car mes dents du haut sont tombés……;et je suis en invalidité car mon bras gauche à été touché lors d’une intervention dite du grand dorsal sectionnage de nerfs,muscles et tendons( heureusement reconnus pour mon invalidité).et de nombreuses allergies dont le paraben et le zinc je ne vous dit pas les séances de rayons j’ai été cramé!!!! J’ai encore quelques nodules qui me font mal mais j’ai une biopsie de prévue en septembre. Ce qui me sauve pour le moment je m’occupe de ma maman après on verra……. et comme vous vous en doutez je fais une bonne dépression!!!!! Mais bon temps qu’on a un but on tiens. Merci à vous de me lire ça fait du bien.

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  7. VALERIE NOLY

    J’ai appris la nouvelle le 1er décembre 2016. J’ai 51 ans, bras gauche stade 1 tumeur 19mm, on m’a opérer la tumeur le 9 décembre 2016 ganglion sentinelle positif, chaîne ganglionnaire non atteinte, mais ils ont tout retirer. Je ressent des douleurs très intenses dans le bras suite au curage. Je commence le protocole, dès janvier 2017 chimio 6 mois, rayons puis hormonothérapie 5 ans. J’écris moi aussi mon histoire, c’est important de dire nos ressentis et nos douleurs afin de rassurer les femmes qui sont atteintes de cette maladie, la mienne à un nom au même titre que ma cicatrice de ce fait je peux leur parler et leur dire avec quelle force herculéenne je vais me battre. Même si le stade 1 ce n’est pas si grave que ça, c’est un combat malgré tout ! Je suis comme vous cette maladie ne n’appartenait pas , comme vous je ne réalise pas ( c’est encore tout frais), j’ai dit à mes enfants de ne pas s’en faire à mes parents aussi (j’ai organiser une réunion de famille pour en parler et surtout dédramatiser tout cela). Je ne sais pas comment je vais réagir à la chimio, je prends bonnes notes de vos désinscriptions cela m’aidera beaucoup ! Je me sens forte et cette maladie est pour moi un cadeau, sans elle je ne me serais jamais occuper de moi comme ça ! trop altruiste pour reconnaître l’évidence, je suis exténuée, toutes ces années à m’occuper des autres ……. et moi alors ? et bien moi c’est maintenant ! Mon petit fils de 7 ans est trop proche de moi, je peux même dire que nous sommes fusionnels et c’est aussi pour lui que je vais me battre, nous avons tellement de belles choses à vivre ! Merci pour votre témoignage. Je vous souhaite une belle vie à vous et votre famille .

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  8. Béatrice CONSTANTIN

    J’ai 67 ans et j’ai appris le 27 juillet 2017 que j’ai des cancers des deux seins pour reprendre les termes du médecin du Centre Clinicale. J’ai essayé de lire tous ces témoignages qui ne me rassurent pas tous. Je sors d’une TRES TRES GROSSE et LONGUE DEPRESSION et j’étais heureuse car je m’en sortais et que j’arrivais même à me sevrer des médicaments. Et puis, ce 27 juillet, c’est une bombe qui m’est tombée sur la tête….. Après la mammo, ce fût ce mardi dernier le SCANNER (qui confirmait que..) puis l’IRM ce jeudi… pour finir par la BIOPSIE vendredi dernier… Ma fille m’accompagne à chaque examen mais mon moral fiche le camp de jour en jour…. et… oui, j’ai peur. Je sais que je vais avoir besoin d’aide et je n’ai qu’une peur, à l’âge où j’arrive de ne pas supporter tout ce qui va suivre…. Moi qui reprenait pourtant goût à la vie…..

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